Pour une écologie pirate … et nous serons libres !
Fatima Ouassak, 2023, 193 pages, Points
Le constat est partagé : fin du monde et fin de mois, même combat ! Pourtant, « écologie » peine encore à rimer avec « justice sociale » et à s’adresser aux classes populaires. Pourquoi les habitants des quartiers populaires sont-ils si peu « engagés » dans le combat écologique alors que ce sont les premiers touchés par les effets du dérèglement climatique ?
Dans son dernier essai, deuxième opus d’une trilogie à venir, Fatima Ouassak dessine les contours d’un autre projet écologique « pour » et « avec les quartiers populaires », où la lutte contre le système « colonial-capitaliste » devient une question centrale. Force est en effet de constater que l’écologie majoritaire en France se pense encore depuis les classes moyennes et supérieures « blanches » qui, en voulant élargir le « front climat », risquent de reproduire des logiques coloniales en voyant les quartiers populaires comme un « réservoir d’énergie » pour « massifier le mouvement ». Ces mêmes logiques se retrouvent dans les appellations des quartiers en question : ZUP, ZEP, ZUS et autres QPV. C’est en effet d’une « terre » qu’ils ont besoin, pas de « zones » !
Si les descendants de l’immigration africaine « s’intéressent plus aux conséquences du dérèglement climatique de l’autre côté de la Méditerranée qu’en Europe, là où ils vivent depuis si longtemps », c’est bien parce que l’on fait d’eux des « sans-terre » et des « sans-pouvoir ». On ne peut pas demander aux habitants des quartiers populaires de s’impliquer « contre ce qui détruit la terre ici, et en même temps leur rappeler sans cesse qu’ils n’y sont pas chez eux ». Cette question de la terre est d’autant plus cruciale, dans le contexte politique actuel, que Fatima Ouassak place au cœur de son ouvrage cette interrogation : Que se passera-t-il « quand l’Europe manquera d’air, d’eau, de terre et d’espace et que l’extrême droite renouera avec son obsession de l’espace vital » ?
S’il n’y a pas de lutte écologique dans les quartiers populaires, c’est aussi qu’il n’y a pas de luttes tout court : tout un système d’entraves empêche de penser un projet politique émancipateur et dépossède les habitants de leur puissance d’agir (assignation à l’utilité dans toutes les pratiques, répression policière, interdiction de « traîner » dehors…). Et « la grille de lecture des luttes écologiques » reste encore peu adaptée à ces quartiers : il y a besoin d’autres histoires de référence, comme les luttes de Plogoff, d’Algérie ou de Palestine.
Plutôt que de protection du vivant ou de l’environnement, l’auteure fait de la « libération » le cœur du projet écologique. L’écologie pirate portée par Fatima Ouassak appelle à « reprendre du pouvoir, du temps et de l’espace au système colonial-capitaliste. Un projet de résistance qui a comme objectif la libération de la terre, et comme horizon l’égale dignité humaine et la liberté de circuler ». Le sous-titre du livre – « et nous serons libres » – prend donc ici tout son sens : l’écologie sera populaire et pirate ou ne sera pas !
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Pour une écologie pirate, 2023
Pour une écologie pirate, 2023
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